Témoignages
Avec leur accord, nous vous proposons leurs mots qui expriment leurs maux.
23% des auteures de violences domestiques
en Suisse sont des femmes.
Une mère qui a soigné son comportement violent témoigne. L’Association « Face à Face », pionnière dans la prise en charge des auteur-e-s de violence, enregistre une augmentation de prises en charge de 75% chez les femmes adultes et de 8,15% chez les adolescent-e-s.
Christine Zaugg
Maria, 33 ans, mère de trois enfants – 2, 6 et 9 ans – a vécu une vie familiale bouleversée pendant plusieurs années. Cris, Claques, coups faisaient partie de son quotidien. Mais ce n’était pas elle la victime. Non, c’est madame qui frappe, c’est madame qui blesse psychologiquement son mari, ses gosses. Parfois son époux se défend et rend les coups – les insultes pleuvent, chaque fois pour des broutilles ; un programme à la télé, un ordinateur, une chaussette qui traîne, un mot de travers… «Ça n’en finissait pas, je ne pouvais plus vivre comme ça», confie la genevoise.
Son mari ne l’a jamais dénoncée à la police. Ses enfants accusaient les coups. Préférant se taire ou alors devenir à leur tour de petits bourreaux dans la cour de récréation. «Je voulais que ça cesse cette violence qui montait en crescendo», témoigne Maria. Comment s’y est-elle prise pour délivrer sa famille de ces violences? «Je me suis en quelque sorte dénoncée en allant volontairement demander de l’aide à l’Association « Face à Face », qui propose un programme pour les femmes auteures de violence, poursuit-elle. Leur programme “Faire cesser la transmission de la violence à travers les générations” correspondait à mes attentes.» Maria avoue que depuis près de deux ans sa vie de famille est désormais sereine. «Il n’y a plus eu de grosses violences dans mon foyer, même si, bien sûr, de temps en temps il y a encore quelques disputes.»
Augmentation d’appels à l’aide
Depuis une année « Face à Face » enregistre une forte augmentation de demandes volontaires de femmes, adultes et mineurs, souhaitant se sortir de la violence. Si les statistiques cantonales de la police notent
une diminution des incarcérations de femmes ou de mineur-e-s pour des violences domestiques ou dans la rue, cela ne signifie pas pour autant que les femmes sont moins violentes.
Toile d’aide
L’association travaille de concert avec le réseau socio-éducatif de la région ainsi qu’avec divers intervenants externes, tels que la Police, les Gardes-frontière, des comédiens, Action Innocence, un maître d’art martiaux et, dès la rentrée, un professeur de BD. « Toutes les personnes qui suivent un traitement à « Face à Face » viennent pour des violences commises. Cependant, dans notre association la violence est prise en compte dans sa globalité, c’est-à-dire que nous traitons également la partie victime de nos client-e-s. A l’intérieur de nos programmes, nous mettons en place des actions telles que des jeux de rôles, ou des entretiens individuels, de couples et de familles afin d’englober toutes les personnes concernées par les transactions violentes. » détaille Claudine Gachet, fondatrice et directrice de « Face à Face », avant d’insister: «La violence n’est pas une maladie c’est un comportement appris qui doit être traité. Il faut le comprendre afin que les auteur-e-s aient la force de lui faire face.»
Mineur-e-s aussi
Depuis 2006, l’association s’occupe des jeunes filles âgées de 13 à 20 ans (GHI 19.03.15) et, depuis 2008, grâce à son programme « Face à Face ADOS », elle inclut également les ados garçons. Dans le passé, la majorité des jeunes étaient envoyés à « Face à Face » par le Tribunal des Mineurs. Ces dernières années, la donne a changé : «75% des adolescent-e-s nous sont confié-e-s par les familles, les foyers et les écoles», poursuit la directrice (lire ci-contre).
Femme et mère
Claudine Gachet de conclure: « La société doit accepter de changer le regard qu’elle porte sur les femmes et les mères en matière de violence. La violence n’est pas l’apanage d’un sexe ou d’une tranche d’âge, tout individu peut en effet être auteur de violence une fois dans sa vie à des échelles différentes. Reconnaître la violence commise par les femmes est une réelle nécessité dans la lutte contre la violence et sa transmission de génération en génération. En effet, malgré l’égalité, les femmes ne sont-elles pas encore les garantes de l’éducation juvénile ? »